Les
images des années 1900 fascinent Aurélie Fourrier
et elle les collectionne depuis longtemps, en particulier
celles du Petit journal illustré, publication populaire
célèbre sous la Troisième République.
Les couvertures de ce Petit Journal illustraient les événements
frappants de la semaine, souvent dramatiques : accidents,
guerre, assassinats. Depuis huit ans environ, elle les utilise
pour faire uvre originale : soit elle les détourne
en les surchargeant au stylo gel de couleur, soit elle s'inspire
de leur esprit rétro pour créer ses propres
dessins.
De ces images,
elle ne garde que les éléments principaux et
recouvre en partie le reste par des motifs sinueux, très
travaillés, de style Art Nouveau, aux couleurs vives
et claires ; puis, elle introduit des éléments
étranges qui rendent la scène totalement absurde
et surréaliste. Ainsi, pour Les obsèques du
Tsar, 1894, elle remplace les couronnes posées sur
des coussins par un énorme poulpe ; 1894 encore, par
son intervention, Le capitaine Dreyfus devant le conseil de
guerre se retrouve seul devant le Christ sur la croix accrochée
au mur, un garde restant visible ; Aurélie Fourier
a entouré ces trois personnages d'un halo rayonnant,
le reste disparaissant sous des motifs variés et colorés
et des éléments insolites; il n'y a plus de
conseil de guerre.
Depuis peu, tout en gardant le même style et le même
univers graphique, elle recrée des faits divers dans
des dessins extrêmement minutieux sans s'appuyer sur
une image préétablie ; avec elle, même
une Pluie de rats devient poétique.
Toutes ces scènes
réinterprétées par l'artiste nous plongent
dans une ambiance onirique, fantaisiste et gaie malgré
les sujets ; elles évoquent la Belle Epoque, les arts
décoratifs, les romans d'aventures de Jules Verne,
les premiers trucages magiques de Méliès au
cinéma ; dans cet univers, les drames perdent de leur
violence au profit du fantastique, le temps devient anhistorique.
Reste le plaisir de pénétrer dans ces images,
délicieusement énigmatiques et toujours merveilleuses,
qui nous faisaient rêver dans les greniers de notre
enfance.
Colette
Pilletant-Rey - 2009
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